Vendredi, 18 octobre 2024

Chroniques

Temps de lecture : 15 min 29 s

Armand Bolduc matricule 3381684 conscrit de la guerre 1914-1918 : Un récit fascinant!

Le 03 juillet 2018 — Modifié à 07 h 00 min le 03 juillet 2018
Par

 

Nous sommes à l'automne 1918, il y aura cent ans dans quelques semaines. Au Québec, la grippe espagnole fait rage. Chaque famille de la région fait la guerre à cette maladie, comme elle le peut.

Pendant ce temps, de l'autre côté de l'océan, il y a une autre guerre. La Première Guerre mondiale tire à sa fin, mais rien n'est encore joué.

Début octobre, un jeune homme de 22 ans, de Chambord, fils d'Euchariste Bolduc et Malvina Parent, travaille sur la terre familiale. Son prénom est Armand.

Tout en travaillant, il voit trois silhouettes se diriger vers lui. Il reconnaît son père, accompagné de deux hommes. Très vite, il se rend à l'évidence: ces hommes sont des soldats.

Dès ce moment, il comprend que lui, Armand Bolduc, ira à la guerre. Pendant un court moment il pense à se sauver, mais la présence de son père, avec ces soldats, le rassure un peu.

Malgré tout, à l’approche des trois hommes, le futur soldat tremble. Il pense à sa famille, à la séparation, à son village. Il se sent défaillir et ses jambes peinent à le tenir.

 

La maison d’Euchariste Bolduc et Malvina Parent, parents d'Armand Bolduc. C'est sur les terres de cette résidence, à Chambord, que des soldats ont appris à ce dernier qu'il était désormais un conscrit de la Guerre mondiale 1914-1918.

 

Il est désormais un conscrit. Matricule 3381684.

Un document précieux de cinquante pages

Ce que vous venez de lire n'est pas une fiction. C'est le début de l'aventure que vivra Armand Bolduc.

Aventure qu'il racontera, en détails, en 1970, plus de cinquante ans plus tard, à son neveu, Raymond Bolduc, qui lui a proposé de l'enregistrer sur bande magnétique.

À la suite du décès d’Armand Bolduc, en 1976, à l'âge de 80 ans, la bande originale est confiée à la Société d'histoire du Lac-St-Jean.

En 1984, Raymond Bolduc a la présence d'esprit de transcrire le témoignage sur papier, craignant sans doute que l'enregistrement sur bande se dégrade avec le temps.

Cet homme avait vu juste. Bien des années plus tard, en 2010, Normand Laroche, neveu d'Armand Bolduc, demande copie de l'enregistrement. La bande ne contient plus le précieux témoignage...

 

L'une des premières pages du document rédigé par Raymond Bolduc, neveu d'Armand Bolduc. Celui-ci relate les hésitations de son oncle à raconter son aventure pour la première fois.

 

C'est donc grâce à l'initiative de Raymond Bolduc que nous pouvons, aujourd'hui, lire l'aventure d'Armand Bolduc, qui sera forcé de quitter Chambord pour se rendre à Vladivostok, Sibérie, Russie. Et ce, en tant que soldat conscrit canadien. (1)

Ses sentiments face à la guerre

La loi sur la conscription, au Canada, a été votée en juillet 1917. La crainte de se voir forcé d'aller à la guerre était donc présente chez tous les jeunes hommes. Voici comment Armand Bolduc, qui je le rappelle avait 22 ans en 1918, voyait la chose en 1970:

«Oui, tu sais la guerre, ce mot nous faisait frémir, de temps à autre on en entendait parler, ça nous faisait peur, c'était effroyable à la pensée qu'on pouvait être conscrit, car la conscription était passée, le pays était en guerre, c'était pas drôle, on vivait dans l'inquiétude, nous les jeunes d'âge militaire, tu sais aller à la guerre, pour nous c'était la fin du monde

Nous qui n’avions jamais quitté père et mère, on riait pas avec ça. On avait peur, on savait que, étant demandé, toute notre vie serait bouleversée, nous qui connaissions une vie paisible, heureux et tranquille chez nous, à la pensée d'aller devant l'inconnu, j'te dis que c'était pas rose!»

 

Exemple d'une affiche publicitaire, incitant les jeunes hommes, fils de fermiers, à s'enrôler comme volontaires, lors de la Première Guerre Mondiale 1914-1918. À la suite du peu de succès de ces publicités, la conscription devint incontournable, afin de remplir les promesses du Gouvernement du Canada face aux alliés.

 

«Tout le monde avait peur, l'inquiétude des parents, des frères et soeurs, d'un voisin, d'un ami, ça se lisait sur leurs visages. Nous, les jeunes, avions peur d'être demandé, de partir pour l'autre côté (comme on disait) se séparer de notre famille, on se posait bien des questions. Qu'adviendra-t-il de nous ? Allons-nous revenir vivant ou mort? Advenant qu'un de nous soit conscrit ? Combien de temps serons-nous séparés de notre famille, tu sais quand on pensait qu'on allait partir, pour nous c'était l'exil.

Ah j'ai vu bien des larmes couler des yeux de ma mère, que d'inquiétudes et de tourments, c'était la fatalité. Mes parents vivaient avec l'espoir au coeur que leur fils sera épargné, que de prières elle a faites!»

L'arrivée des soldats à Chambord

«Un jour d'automne sur la route de mon village, Chemin du Roi, et on disait chemin du RHOI, qui était la seule route du village, route principale. Deux soldats qui, descendus du train, parcourent la route principale, deux soldats en tenue impeccable, aux boutons dorés, bottes scintillantes, casquette sur la tête, (Képi) fusil à l'épaule baïonnette aux canons, d'un pas miliaire marchaient en direction de l'ouest.

Aux fenêtres, les villageois regardaient passer ces étranges personnages tant redoutés. L’inquiétude régnait parmi ces gens, qui se demandaient, qui vient-on chercher, est-ce leurs fils ? Quand ces hommes passèrent droit leur demeure ils étaient soulagés.»

 

Le 7 octobre 1918, le document officiel est complété. Euchariste Bolduc, père du jeune Armand, recevra 15 $ de dédommagement pour la perte de son fils.

 

Le dernier au-revoir

«J'embrassai ma mère, mes joues étaient imbibées de ses larmes et elle fondit en larmes, allant se retirer dans sa chambre, d’une voix tremblante, angoissée, remplie d'amour, me dit au-revoir mon fils. Et elle se tut. Je donnai la main à mon père. Il me dit au-revoir mon fils.»

Premières étapes: Chicoutimi, Québec, puis Vancouver

«Je suis seul avec ces soldats. Ils se placèrent l'un de chaque côté de moi. J'avais le coeur bien gros de quitter mon chez nous et j'te dis que malgré moi les larmes coulaient.

Je pris la route, flanqué de ces deux soldats armés jusqu'aux dents, fusil à l'épaule, surmontés de baïonnettes. J'avais l'impression d'être un criminel ainsi affublé entre ces deux soldats, sous surveillance étroite.

Je savais que si je faisais un faux mouvement, ou une erreur quelconque, que je serais rappelé à l'ordre...

Rendu à Chicoutimi on nous conduit au camp militaire, où nous étions attendus, soldats médecins etc. Pendant deux jours, nous passâmes des examens. Des habits nous furent donnés et nous sommes maintenant habillés en soldats.»

 

Dans le document d'origine, Armand Bolduc raconte comment son père, sans doute naïvement, tenta d'obtenir des soldats qu'ils parlent en sa faveur aux autorités.

 

«Deux jours se passèrent et on nous fit prendre le train pour Québec, cette fois, train pour passagers et spécialement pour nous les soldats.

Arrivés à Québec, de suite nous avons pris la marche direction de Valcartier, et de là, à la Citadelle. Pour plusieurs d'entre nous, voir la ville de Québec c'était un événement. Nos yeux n’étaient pas assez grands pour tout voir.

Quand on n’est jamais sorti de chez soi, qu'on est en présence de somptueux édifices et de monuments célèbres, ça surprend.»

La grippe espagnole de Québec... à Vancouver

Comme je le mentionnais au tout début de cette chronique, octobre et novembre 1918 furent les deux pires mois de l'épidémie de la grippe espagnole, qui fit 14 000 morts dans la province.

Dans son précieux témoignage, Armand Bolduc apporte, sans le vouloir à l'époque, deux petits détails qui seront importants concernant la propagation de cette maladie, dans l'ouest du pays. Il mentionne ceci concernant la grippe espagnole à Québec:

«Quelques jours passèrent et la maladie fit rage. Les médecins sont à l'œuvre sans répit, soignant les malades. C'était décourageant de voir ça. Toute une scène à voir, tant de malades, de morts, ça nous inquiétait pas qu'un petit peu.

Beaucoup sont transportés à l'hôpital, d'autres c'est fini pour eux, la mort avait fait son œuvre. Nous avons appris que c'était la grippe espagnole.»...«Sous nos yeux des dizaines et des dizaines mouraient...»

Puis, ceci:

«Nous avons le droit de sortir en ville, dans nos heures de congé. Ceux qui ne respectaient pas les ordres reçus, étaient punis, leur paie était réduite, ils faisaient même du cachot et des exercices supplémentaires, qui n'étaient pas de tout repos!»

Comme les études subséquentes le démontrèrent, la grippe espagnole fut transportée à Vancouver, par le groupe de soldats canadiens, dont M. Bolduc faisait partie.

 

À Vancouver, en attendant le grand départ pour la Russie. Les soldats canadiens se promènent librement dans la ville lors de leurs congés.

 

Le fait est que, de laisser ces soldats sortir, dans une population gravement atteinte de la pire maladie contagieuse des derniers siècles, sachant très bien que lesdits soldats allaient, par la suite, traverser le pays de bout en bout, par train, pour prendre un bateau à Vancouver et de nouveau se mêler à la population, était une décision pour le moins téméraire.

À ce moment, les autorités connaissaient le mode de transmission, le taux de mortalité et les précautions d'usage à prendre.

En ce sens, le témoignage de M. Bolduc confirme les études menées depuis. (2)

La guerre est terminée et une rébellion!

Un mois après son départ de Chambord, Armand Bolduc est à Vancouver. Le bataillon s'entraîne et attend l'ordre de départ.

Soudain, le 11 novembre, ils apprennent une nouvelle merveilleuse: l'armistice est signé et c'est la fin de la guerre!

Pour les 4 000 soldats sur place, la joie est indescriptible. Fêtes, danses, chants, tout y passe. Pour les conscrits, c'est la fin d'une guerre dont ils ne voulaient pas.

La joie sera de courte durée...

Dans les heures suivantes, l'armée demande instruction au gouvernement canadien, concernant les soldats de Vancouver. Contre toute attente, Borden, le Premier ministre, confirme la mission!

L'argument principal était que, même si la guerre était terminée, la Russie avait encore besoin d'assurer la stabilité de son territoire.

La réaction des conscrits ne se fit pas attendre

M. Bolduc décrit en ces mots ce qui se passa ensuite:

«À cette annonce... les soldats se révoltèrent! Il y a eu de la bagarre, il y a eu rébellion, on ne voulait plus obéir aux ordres, malgré les commandements, un grand nombre refusait d'avancer, on restait couché sur le sol, on se départissait des vêtements et des fusils, on enlevait nos chaussures.

Nous savions que nous devions prendre le bateau pour faire la traversée. Aller dans des endroits inconnus, peut-être mourir, alors pourquoi ne pas mourir chez nous, dans son pays.

Mais avec menace de tirer sur les rebelles, des soldats avec baïonnette au fusil forçaient les belligérants à reprendre leurs sens.

Des coups de feu retentirent, un avertissement sévère fut lancé. Quand la baïonnette nous caresse les côtes, il ne nous reste qu'un choix, marcher ou mourir.»

 

Le R.M.S. Empress of Russia, à Vancouver en 1913. Ce bateau participa, avec d'autres, aux transports des soldats canadiens en 1918 - 1919.

 

C'est ainsi que, quelque temps plus tard, Armand Bolduc, 22 ans, se retrouva à bord du bateau qui allait les emmener, en route pour Vladivostok, Sibérie, Russie.

Cette traversée fut longue et difficile. Plus de 22 jours, avant la première escale au Japon.

Le mal de mer, des tempêtes épouvantables, de la nourriture immangeable, des journées passées à tuer ses propres poux, le tout pour 1 $ par jour, soit 18 $ en argent d'aujourd'hui.

Vladivostok, Russie

J'ai réfléchi longtemps, avant de choisir une façon de décrire la région de Vladivostok. Finalement, mon choix s'est porté sur cette formulation: dans la vie, en tant que soldats, gardiens de la stabilité d'un territoire, certains doivent travailler à Vérone, ou Naples en Italie, et d'autres, à Vladivostok en Sibérie.

 

Vladivostok, Sibérie, Russie, en 1919. Ce port fut le premier contact d'Armand Bolduc et ses compagnons avec la Russie.

 

Voici comment Armand Bolduc décrit sa première marche dans cette région:

«Une grande marche de 12 miles nous attendait, sous un froid glacial de 40 sous-zéro fahrenheit. La route est faite de pierres grossières, qui rendent la marche difficile. La brume, le frima nous enveloppent. Le paysage est dénudé, montagneux, peu de neige cependant.

Fatigués par ce voyage qui a trop duré, épuisés, malades et on peut le dire sous-alimentés, rendaient les efforts plus pénibles. Pendant quatre longues heures, nous avons marché sur un chemin difficile. Le froid, les montagnes à grimper, c'était pas rose!

Dans ce désert de froid, on se demandait bien ce qu'on venait faire là. On se sent bien mal pris dans ce coin perdu, pas de vie nous semble être la réalité, pas de maisons, pas de monde, que la nature triste et pas attirante.

Pays de misère, où tout semble être que désert et ruines. Des milles et des milles à la ronde sans âme qui vive, sur cette terre de désolation.»

Encore un petit mot sur la ville même. En 1918, Vladivostok est essentiellement une ville portuaire et compte plus ou moins 85 000 habitants (600 000 aujourd'hui).

Selon les divers témoignages de l'époque, ce n'était pas la joie, dans cette ville, à l'automne 1918.

Une épidémie de typhoïde faisait rage, des milliers de clandestins, ayant fuient la guerre, dormaient et mouraient partout, des piles de cadavres s'entassaient dans la ville, faute de pouvoir les enterrer, et évidemment, les bordels clandestins. (3)

 

Vladivostok. Le capitaine Eric Elkington témoigne: «C'était l'hiver et les rues étaient toujours pleines de cadavres et de gens qui se faisaient tuer.». Ce capitaine fut témoin d'un cambriolage de banque. Le coupable se sauva dans la rue et fut tiré dans la tête par un garde: «Il fut entassé dans un tas de cadavres. Ils ne pouvaient pas les enterrer. Il y a eu des centaines de cadavres dans ce lieu.»

 

Pendant la période où les Canadiens furent sur place, le quart des hospitalisations de nos soldats, était lié aux maladies vénériennes.

Dans tout ce chaos social, la palme de la témérité, en matière d'investissement, revient sans doute à la Banque Royale du Canada qui trouva le moyen, croyez-le ou non, d'opérer une banque dans cette ville, pendant l'hiver 1918-1919.

Les installations et occupations

Que faire, en tant que soldat, quand il n'y a plus de guerre, que le Gouvernement du Canada ne permet pas de mission en dehors du périmètre, pour ne pas perdre d'hommes et devoir se justifier auprès de sa population et que vous ne savez même pas pourquoi vous êtes là?

 

Région de Vladivostok. L'un des camps canadiens.

 

En fait, ça se résume à s'entraîner, entretenir les bâtiments de l'armée et faire à manger. Lisons M. Bolduc, qui décrit quelques activités:

«Sur place, il y avait des soldats qui gardaient les lieux, qui entretenaient les bâtiments, qui vaquaient aux occupations normales de tout.

Le salaire, pour un simple soldat, était de 1 $ par jour, payé tous les mois. J'en gardais quinze et les quinze autres, je les faisais parvenir à mon père.

C'est ainsi que j'ai été nommé pour faire de la garde, deux heures par jour.

J'ai été chargé de prendre soin des mulets, les soigner, les nourrir, les abreuver, les nettoyer, les garder bien propre, écurer l'étable.

J'ai été à la cuisine, à monter les tables, lavage de la vaisselle, balayage des planchers, garder propre l'infirmerie et la chapelle. Nous étions plusieurs à faire ces besognes, chacun avait des temps déterminés.

J'ai été cuisinier, faire cuire les viandes, le macaroni et du riz, faire des pâtisseries.

J'ai été désigné à la cueillette de l'eau. Pour ce faire, je devais atteler des mulets sur des voitures traineaux, sur lesquels étaient attachés des barils.

C'est ainsi que j'ai été nommé ambulancier. Je suivais la troupe à l'entraînement. Je ramassais les soldats qui tombaient sous le poids de la fatigue et ma charge était de les ramener à l'infirmerie.

Ensuite, j'ai été demandé à faire la coupe du bois de chauffage. En faire le transport avec des mulets, ensuite le couper en longueur de 16 pouces et le fendre.»

Les relations avec les locaux

"Nous n’étions pas seuls dans ce pays glacial. Il y avait des gens, là! On les appelait les ZOULOUS nationalités diverses. Russes, Allemands et autres. Ces gens vivaient dans des mansardes. Ils étalent si mal habillés, vêtements usés, usés à la corde, certains étaient vêtus de peaux de bêtes.

Le contraste était frappant, nous si propres, si bien habillés, eux sales et si mal vêtus. Vraiment, ils étalent isolés du monde, seuls dans cet endroit, ne pouvant compter que sur eux-mêmes, sans nourriture, sans secours, sans argent. Inconnus et pauvres, ils vivaient que du fruit de leur pêche, abandonnés de tous, c'était des interdits.

Ils vivaient pas très loin de nous, je les ai visités souvent avec quelques-uns de mes amis. Avec quelle chaleur humaine ils nous recevaient, ils aimaient bien les blancs. Ils nous embrassaient les mains. Ils ne parlaient pas notre langue, mais on se comprenait.»

 

Région de Vladivostok, en 1918. Des compagnons d'Armand Bolduc.

 

Après quatre mois, l'annonce du départ

«Le matin, comme tout autre jour, nous vaguons à la routine journalière, quand nous sommes tous appelés à se réunir. Un message important nous sera livré. Les 4 000 hommes rassemblés, le général prend la parole et nous annonce que demain c'est le départ.

Vous avez le reste de la journée pour préparer vos bagages, pour retourner au pays. Toute la troupe, d'un commun accord, lançait des cris de joie. Les chants se firent entendre. Ça criait, on se frappe dans les mains.»

M. Bolduc parle des conscrits comme lui:

«Bien-sûr, ils ont été là que pour faire de la surveillance. Cela n'enlève pas tous les honneurs et la gloire d'avoir été défendre leur pays.»

Le retour à Chambord

«Rendus à Québec, au camp de Valcartier, nous fûmes deux jours, le temps de recevoir notre libération, ensuite acheter notre billet pour retourner chez nous par le train. J'arrivai chez moi en taxi, ma mère ravie m'embrassa, et pleura de joie.

Mon père lui me dit: «Je te croyais parti pour plus longtemps. J'suis bien content de te voir. J'suis bien fier que tu sois là.»

Une victime de la guerre ?

Le jeune Armand Bolduc n'a pas eu à se battre, ou tuer quiconque. S'il n'a pas été une victime de la guerre, au sens où nous l'entendons habituellement, il faut souligner qu'à partir du moment où il a été forcé de s'enrôler, jusqu'à celui où il paraissait évident qu'il n'allait pas aller au front, la peur de l'inconnu et de ne pas revenir vivant était, elle, bien présente.

L'angoisse de sa famille était réelle également. Au moment de son départ de Chambord, la guerre n'était pas terminée et tout pouvait arriver.

Dans cet esprit, oui, Armand Bolduc et sa famille ont vécu des mois difficiles, que personne ne voudrait avoir à subir.

 

Rosario (son frère) et Armand Bolduc, peu de temps avant que ce dernier soit conscrit par le Gouvernement du Canada. Cette photographie est, en fait, une carte postale qu'Armand Bolduc donna à sa compagne et future épouse, Antoinette Laroche.

 

La conscription canadienne de la Première guerre mondiale fait encore débat, cent ans plus tard. De la promesse de Borden, le Premier ministre canadien de l'époque, d'envoyer un nombre beaucoup trop élevé de combattants, par rapport au nombre de citoyens (promesse de 500 000 sur huit millions d'habitants), à sa réélection, plus que discutable, en 1917, grâce à des manipulations évidentes dans les lois de l'époque, beaucoup de questions ne trouveront peut-être jamais de réponses définitives. (4)

 

Jouant sur le sentiment d'appartenance à la France et sur une menace de dévastation du pays, le Gouvernement Canadien mit beaucoup d'efforts à tenter de convaincre les Canadiens-français.

 

Nous ne pouvons que saluer Armand Bolduc qui, ne sachant pas s'il allait revenir dans son village, s'est acquitté de son rôle de soldat, dans les règles de l'art, malgré la peur, les privations et sa situation de conscrit.

La vie du couple Armand Bolduc et Antoinette Laroche

Armand Bolduc est né à Chambord, le 8 septembre 1896, du mariage d'Euchariste Bolduc et Malvina Parent,

Antoinette Laroche, est née à Chambord, le 29 mai 1902, du mariage de Ludger Laroche et de Délima Boivin.

Ils se sont mariés à Chambord, le 20 juin 1921.

 

Endos de la carte postale qu'Armand Bolduc donna à Antoinette Laroche avant son départ. Si le jeune Armand inscrit «Chère amie, je te donne ce portrait en attendant le tien», Antoinette Laroche y ajoutera par la suite «Voici celui que j'ai choisi pour être le compagnon de ma vie, que Dieu protège notre union.» Seul le décès de Mme Laroche, en 1969, les sépara.

 

Dans un premier temps, ils se sont établis sur une ferme, sur la Pointe de Chambord. Au début, ils ont habité une vieille maison, qui était située le long de la route de la Pointe, puis dans une seconde maison sur ce même terrain.

 

La première maison du couple Armand Bolduc et Antoinette Laroche. Acquise en 1928, elle est située à Chambord et est toujours debout aujourd'hui. Toutefois, comme nous le voyons, sans intervention rapide, il sera difficile de la conserver.

 

Ils élevèrent cinq enfants: Sylvio, Adrien, Charles-Henri, Jacqueline et Adrienne.

Armand était un cultivateur consciencieux, qui cultivait ses terres avec fierté. Il a légué sa ferme, à sa retraite, à son fils Charles-Henri.

Après le décès de sa première femme, en 1969, il se maria une seconde fois, avec Joséphine Rivard. Ils vécurent quelques années de bonheur ensemble. Celle-ci décéda le 23 mars 1975, à l’âge de 75 ans.

 

Le couple Armand Bolduc et Antoinette Laroche de Chambord. De fils de cultivateur à soldat conscrit, l'histoire de cet homme n'est pas banale et elle méritait d'être racontée.

 

Armand Bolduc décéda un an après sa 2e conjointe, le 18 octobre 1976, à l’âge de 80 ans.

Remerciements

Un immense merci à toute la famille Bolbuc-Laroche pour leur belle collaboration, dans la récolte de documentation pour cette chronique. Particulièrement à Normand Laroche, qui a su répondre avec patience à toutes mes questions.

Si vous avez, vous aussi, dans votre famille, des histoires intéressantes et des documents appuyant les faits, ne pas hésiter à me les faire parvenir. Qui sait? Le tout se terminera peut-être en chronique historique!

Christian Tremblay, chroniqueur historique et administrateur de la page Facebook Lac-St-Jean histoire et découvertes historiques

https://www.facebook.com/histoirelacstjean/

Note : des droits d’auteur s’appliquent aux photographies et images de la chronique. Il est par conséquent interdit de les sauvegarder pour diffusion sans l’autorisation de la source mentionnée au bas de chacune.

Note sur les citations de M. Armand Bolduc: Afin de rendre le texte plus agréable à lire, il a été nécessaire d'effectuer certaines corrections au texte originale. Il s’agit ici d'erreurs de frappes ou de ponctuations, qui n'enlèvent rien aux formulations retranscrites à partir de la bande magnétique.

Note 1: Le témoignage écrit d’Armand Bolduc fait partie des archives de la Société historique du Lac-St-Jean, fonds Raymond Laroche.

Note 2: Mark Osborne Humphries, “The Horror at Home: The Canadian Military and the ‘Great’ Influenza Pandemic of 1918,” Journal of the Canadian Historical Association 16, 1 (2005): 235-60.

Note 3: siberianexpedition.ca

Note 4: encyclopediecanadienne.ca/fr/article/election-de-1917

Abonnez-vous à nos infolettres

CONSULTEZ NOS ARCHIVES