Ça m’a pris du temps. J’étais sans voix, sans mots, juste une émotion envahissante qui s’explique pas. J’avais besoin de lire les autres hommages, de le voir rayonner partout. Que puis-je dire de plus, comment puis-je exprimer en mots l’ampleur de l’émotion collective qui a happé le Québec, et qui suis-je pour le faire. Vais-je rajouter une couche sur une toast déjà beurrée? Comme tout le monde, j’ai remis les vieux albums, les paroles des chansons sont revenues mais goûtaient différent. Pis ça m’a dérangée. J’veux pas pleurer quand j’entends leurs tounes, non!
Le truc avec les Cowboys, c’est notre rythme commun, j’étais ado et j’allais découvrir la musique vivante dans leurs spectacles, je sentais ma fibre revendicatrice résonner, trouver un écho. On a vieilli au même rythme, alors que je m’assagissais, leurs albums prenaient en maturité, en empathie, et bienveillance. Amoureuse finie du Québec, leur fibre politisée et cultivée m’a nourrie, et a évolué et s’est nuancée sans perdre son essence.
Les Cowboys pour moi, et pour tant d’autres, c’est un groupe de compagnons, des alliés. Stéphanie et moi, on a failli aller les voir ensemble cet été, à Festirame, finalement ils ont été remplacés par les Trois Accords, aigre-douce consolation. On se dit qu’on comprend, qu’on se reprendra, qu’on va avoir du plaisir pareil. Pis là?
Je ne veux pas me rappeler de Karl amoindri. Je veux le voir bondir, électrisé, sur une scène. Je veux ressentir l’énergie d’une foule au Métropolis à 40 degrés en dedans, les vitres qui suintent. Je veux me rappeler de cette St-Jean où les pouels me dressaient à écouter son discours patriotique. Je veux sourire en pensant à lui, reconnaissante. Je ne veux pas pleurer en écoutant leurs chansons. Je ne veux pas mettre mon drapeau en berne, je veux le brandir en son honneur, haut et fort.
Merci, Karl.
J'ai tout surmonté
La tête baissée
Maint'nant, j'redescends la côte
Et j'ai la tête haute
Tête haute, L’expédition, Les Cowboys Fringants, 2008.